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Qu’est-ce que le droit à la signature ?

La signature, un droit moral au prisme de la valeur

À la faveur de l’émergence de l’inbound marketing, la qualité du trafic généré grâce à des contenus informationnels toujours plus pertinents, à la croisée des chemins entre journalisme d’entreprise, journalisme de presse spécialisée et de la publicité, prime sur la quantité. Toutefois, cette technique ne remplace pas, et ne le peut, d’autres types de contenu conçus pour alimenter la boulimie de mots formatés selon les « guidelines » des moteurs de recherche. En ce sens, aborder la rédaction web des organisations au prisme de la seule valeur est une approche archaïque qu’il faut dépasser pour appréhender l’ensemble des enjeux de ce genre d’écriture.

La signature, une reconnaissance

L’un d’eux porte sur l’attribution de la paternité des contenus des organisations. Si la rédaction professionnelle non digitalisée porte une certaine ambiguïté en raison d’une « double profusion » celle des disciplines de référence, en amont, et celle des champs d’application en aval, comme le rappelle Labasse, celle-ci est transposée et accentuée de fait dans le monde numérique. En effet, si l’on considère pour admis le transfert du droit moral au profit de l’entreprise dans le cadre de sa communication écrite réalisée par des salariés, encore qu’il soit toujours possible d’identifier les auteurs en raison de la mention de leur nom ou du service sur les documents, le concept de marque blanche est tout autant admis dans le cadre de la délégation de création de contenu encadrée par des contrats avec des freelances ou des agences spécialisées. Par ailleurs, si les contenus créés permettent de renforcer l’identité de marque des entreprises, donc de créer de la valeur, leur capacité de conversion en leads est nettement inférieure à celle possible en terrain numérique. Car, dans ce cadre, non seulement certains contenus dits de netliking permettent de générer du trafic de qualité pour l’entreprise, voire de convertir, mais ils permettent aussi de valoriser les médias qui les publient contre une rémunération dans le cadre de leur politique de vente de liens. Il y a en l’espèce une double valeur créée qui permet d’envisager la rédaction web des organisations non plus comme une simple technique d’écriture dédiée aux robots, mais une technique d’écriture aux formes et enjeux multiples qui impose une réflexion au prisme du Code de la propriété intellectuelle et de tous les droits en découlant, dont le droit à la signature.

Qu’est-ce que le droit à la signature ?

Le droit à la signature est la possibilité pour un rédacteur, une rédactrice web de signer ses textes. Il est le prolongement naturel de la propriété intellectuelle et reconnaît à une personne sa paternité sur un écrit. Reconnaître une parternité sur un écrit et en conserver le droit moral, droit inaliénable, ne signifie pas forcément percevoir des droits d’auteur. Et, je pense que la grande difficulté dans la reconnaissance du droit à la signature tient à ce malentendu.

Le contenu des organisations comme oeuvre de l’esprit né du collectif

Comme nous l’avons vu précédemment, il y a eu une ambiguïté s’agissant des écrits des organisations. Qu’est-ce qui relève du seul rédacteur ? Qu’est-ce qui a été écrit à plusieurs mains ? Qu’est-ce qui relève d’un écrit « auto-dicté » par les contraintes d’un format, comme des fiches descriptives de produits ? Comme dans le secteur publicitaire, il n’est pas rare qu’un texte publié sur une page de marque soit travaillé à plusieurs. Dans ce cas, on peut parler d’un texte collectif dont le droit moral appartient à l’entreprise. Cela n’exclut pas la possibilité d’une obligation de mention légale, de type : « Ce site a été rédigé par M. X, Mme Y… » Cela n’exlut pas également les accords de cession en marque blanche d’un texte avec exclusivité de contenu, Google pénalisant le duplicate content. Car, le droit à la signature est à la rédaction des organisations, et plus particulièrement à la rédaction web des organisations où évoluent beaucoup de freelances, ce que la religion est à la laïcité : le droit de signer ou de ne pas signer.

Le contenu des organisations comme oeuvre de l’esprit individuelle

Cependant, force est de reconnaître que de nombreux textes ne sont écrits que par une seule personne. Certains sont même publiés sur de grands médias nationaux qui se dédouanent de cette absence de signature par la mention « en partenariat », signifiant ainsi qu’il s’agit d’un publi-rédactionnel. À quand la mention : « Écrit par M. X ou Mme Y – Partenariat avec W » ? Vous l’aurez compris, je ne considère pas les textes de netlinking comme des textes comme les autres. À la frontière de la communication des organisations, de la publicité et du journalisme, ils dévraient pourvoir être rémunérés en droits voisins en plus de bénéficer du droit à la signature.

Les enjeux du droit à la signature

Tout l’enjeu du droit à la signature signature pour les rédacteurs des organisations, qu’il oeuvrent dans l’univers numérique ou non, est « de se réapproprier un droit moral sur sa création » (Tardy). En effet, aujourd’hui, il ne viendrait à l’idée de personne de ne pas trouver mention du nom d’un auteur sur un livre, dans un article de presse, sur une œuvre photographique, etc. Mais, lorsqu’il s’agit des textes portant simplement la mention « en partenariat » ou des contenus d’un site internet n’indiquant pas le nom du rédacteur des pages visitées dans les mentions légales, rares sont les personnes qui s’interrogent sur ces contenus incréés, comme si ce web déifié détenait le pouvoir magique de « s’auto-écrire ».
Dans le même temps, une légion de petites mains s’activent chaque jour pour éviter à de nombreux sites de se retrouver sur le banc de touche de Google faute de contenus enrichis. Des plateformes en ligne en rémunèrent certaines d’entre elles à 0,014 ct par mot. D’autres exercent ce métier en complément de revenus. Dans les deux cas, il est exigé de ces nouveaux ouvriers de la communication de renoncer à être nommés en tant qu’auteurs de leurs textes et au droit que le confère leur droit moral de refuser la modification de leurs écrits sans leur consentement, ce que beaucoup acceptent pour pouvoir travailler.

L’invisibilité sociale et juridique d’un métier

Autre symptôme flagrant de l’invisibilité (G. Leblanc, 2009) des rédacteurs web : l’absence d’un statut juridique dédié pour les professionnels créant une micro-entreprise. Ils ne sont pas considérés comme des artisans ou des professionnels exerçant une activité libérale non réglementée, comme les auteurs, mais comme des commerçants. S’ils peuvent créer des récits vantant le confort d’une chaussure, ils ne les alignent pas encore dans les rayons des magasins. Quant aux maladies professionnelles liées au temps passé devant un écran et à l’écriture, aucun professionnel ne peut s’en réclamer.
On voit bien dès lors que la situation actuelle des rédacteurs web est particulièrement paradoxale au regard de l’importance que revêt aujourd’hui la production de contenus sur internet, notamment en raison de la place des plateformes dans l’éditorialisation des contenus.

Les difficultés de la reconnaissance du droit à la signature

1. Un métier assez récent

Ce métier récent n’est pas structuré comme d’autres métiers. Le Syndicat des Professionnels de l’Écrit Online (SYNPÉO) étant tout juste créé, il n’a pas encore de vrai poids et de visibilité.

2. La difficulté d’établir la paternité d’un écrit

Dans le monde des organisations, le droit moral est réputé acquis à l’entreprise. Or, si cela s’explique aisément dans le cas des contenus collectifs, cela ne doit pas être la règle pour les contenus réalisés à titre individuels. Il est temps de faire la disctinction afin que cette règle soit transposée dans le monde du numérique qui entretient avec force sur certains textes, en raison de la course de l’inbound marketing, une frontière floue avec d’autres métiers (journalistes, auteurs, communicants, publicitaires).

Cependant la reconnaissance du droit à la signature est nécessaire et souhaitable pour les entreprises pour plusieurs raisons :
– Visibilisation des professionnels de l’écrit numérique
– Assainissement du marché (activité complémentaire des journalistes et professeurs, formation…)
– Sortie de la précarité pour certains rédacteurs
– Une vision éthique du numérique, créatrice valeur en termes d’image
– Un meilleur sourcing des écrits qui permet de mieux lutter contre les fake news ou les publicités mensongères